Un poney pas comme les autres
Il y a déjà plusieurs années, j’avais acquis un joli poulain noir de 2 ans, dont personne ne voulait car ses origines n’étaient pas suffisamment prestigieuses : heureux mélange d’une petite ponette grise typée welsh, et d’un cheval cob normand !
De morphologie magnifique, pour ne pas dire parfaite, comme l’on trouve les gravures dans les manuels d’équitation à la page « qualités physiques ».
De tempérament plutôt calme et posé, un peu fainéant, mais très très joueur, Niko de Riez est entré dans ma vie en 2003. Montrant rapidement son manque d’intérêt pour l’enseignement monté, et développant son ingéniosité pour dégouter les pauvres cavaliers, j’ai du enlever ce poney de l’instruction pour lui faire intégrer mon piquet de chevaux de sport de l’époque. Découvrir le Concours Complet, l’endurance et le TREC était pourtant bien plus difficile physiquement, mais Niko était épanoui.
Profitant de son intelligence hors norme, je poursuivais avec lui le travail au sol, en liberté, avec finesse et délicatesse, et abordait en parallèle le travail monté, sans mors, voir même sans rien sur la tête.
Peu regardant, une fois en confiance, c’est un poney que je qualifierai de facile, sous réserve d’en connaître les règles et le mode d’emploi ! Développant par contre occasionnellement une peur difficilement contrôlable face à une situation donnée ponctuelle. C’est arrivé 2 ou 3 fois, et malgré la désensibilisation, l’habituation, et tout ce qu’on voudra, certaines (rares) situations demeurent complexes et tendues.
Je n’ai jamais compris pourquoi, mais cela me confortait dans l’idée que le poney ne devait pas être attelé, car trop imprévisible.
Prometteuse carrière sportive interrompue en 2007 suite à blessure (fracture de l’os du pied) due à une faiblesse génétique. Après plus de 12 mois de repos au pré avec les poulains, le verdict vétérinaire est tombé : plus de compétition de haut niveau, plus d’activités sollicitant de trop son antérieur, pour éviter de nouvelles lésions.
La reconversion envisagée
Niko travaille alors au sol, où il fait le bonheur de certains élèves (pas tous, car il est bien trop joueur !) et reprend les cours au club. En 2011, après plusieurs débourrages concluants à l’attelage de nos animaux d’instruction, je décide d’y inclure aussi Niko, pour mon plus grand plaisir. Le poney est facile, léger dans ses allures et son maintient, agréable à mener et déjà tellement bien mis en selle, que c’est un véritable atout.
Je retrouve avec lui les sensations oubliées, en pratiquant le dressage attelé. Niko est fin, réceptif, à l’écoute et nous nous amusons tous les 2.
Le début des ennuis…
Jusqu’au jour où nous avons travaillé à deux attelages dans la carrière et ou le poney a littéralement paniqué en entendant le bruit de la seconde voiture. Surtout si cette dernière, venait en dehors de son champs de vision. Pour palier à ce souci, je lui ai acheté une bride à demi-oeillères, afin d’élargir sa visibilité latérale. Cela n’a pas vraiment changé quoi que ce soit et il est cependant toujours resté un peu méfiant.
Persévérante, je l’ai inscrite plus tard à une petite épreuve de niveau club2, comprenant une maniabilité et une série de tests et jeux d’habileté. Le matin, peu de concurrents sur le paddock d’échauffement, cela se passe plutôt bien. De plus, sur l’épreuve d’adresse, le poney est vraiment génial, maniable et souple, répondant à la moindre sollicitation.
La détente de l’après midi est une toute autre histoire, avec la présence de plusieurs attelages à 4 roues (qui inévitablement font du bruit sur le terrain chaotique enherbé servant d’aire de préparation). Niko est aux aguets. Pour nous l’échauffement consistera à suivre les autres de manière à avoir autant que possible, les sources d’inquiétude (et de bruit) devant nous et non derrière. Niko est difficilement gérable. Il a peur, panique, fait demi-tour sur place avec la voiture, me cherche du regard. Il ne me fait pas assez confiance et seule mon apparition à sa tête le rassure et le calme réellement.
Sur le parcours, il est seul (aucune vil voiture adverse ne venant le poursuivre et le perturber), et il est simplement génial ! Un plaisir à mener, facile, coulant, fluide, allant, présent.
Trouver une solution ?
De retour chez moi, je contacte un professionnel plus expérimenté que moi en matière d’attelage, et lui expose le problème et les difficultés rencontrées. Selon lui, à l’usage, le poney va s’habituer aux bruits et à l’apparition d’autres attelages. Il m’invite vivement à poursuivre avec Niko, en alternant le travail seul (non stressant) et les séances avec un autre attelage pour le familiariser.
Effectivement, la semaine suivante, l’amélioration se fait sentir, mais le poney reste tout de même parfois sur la réserve. Les équidés attelés à une voiture 2 roues ne posent pas de soucis. Ce sont plutôt celles à 4 roues qui vibrent et cliquètent qui l’inquiètent davantage.
Un samedi après midi, je décidais de le travailler après mes cours d’attelage, seul en carrière. Pour des raisons pratiques d’intendance je l’attèle à la voiture qu’il avait eu au débourrage, et non à la mienne : monter et démonter les attelages pour passer de solo à paire et inversement, prenant pas mal de temps.
L’incident qui force la réflexion
Le bruit n’est plus le même et pour la première fois, Niko a peur de sa voiture. Sentant mon poney tendu à l’extrême et près à faire une pointe de vitesse non contrôlée, je décide que nous serons mieux au sol, et d’aller à la tête. Niko se calme un peu. Je pense alors que de travailler à pieds aux longues guides en cercle, serait peut être la solution, le poney pouvant plus facilement m’apercevoir pour se rassurer.
C’était sans compter sur le bruit de l’attelage (vide de ses occupants) qui a fait fuir Niko en moins de quelques secondes.
Je n’ai pas fait le poids au bout des guides, pour le ralentir, et j’ai tout lâché, ne servant à rien du tout.
Impuissante j’ai regardé mon poney filer vers les écuries, traverser la corde fermant la carrière, pour aller exploser en deux morceaux la voiture contre le muret longeant le bâtiment. Pris de panique encore plus avec le bout de voiture trainant derrière lui, la course ne s’est pas arrêtée là. Niko s’est jeté dans les clôtures pour tenter de rejoindre une poulinière et son petit. Au bout de quelques minutes qui paraissent interminables, il a fini par s’immobiliser, saucissonné dans les rubans électriques, les poteaux en bois et les restes de brancards, couché au sol au milieu du parc.
C’était très spectaculaire et impressionnant. Niko s’en est sorti avec seulement deux petites égratignures, et aucune contusion ni gêne locomotrice. Par chance la jument et la pouliche n’ont rien eu qu’une petite frayeur en voyant le poney trainer toute la clôture après lui.
Le soir même il caracolait au pré avec ses copains, et moi je me rappelait tout simplement qu’un jour j’avais dit que je ne l’attellerai jamais, car trop imprévisible.
Au fonds de moi, javais cru et espéré me tromper,
mais la réalité m’a bien vite rattrapée !!
Épilogue : le naturel revient toujours au galop !
J’aurai pu comme on me l’avait conseillé, poursuivre le travail de d’accoutumance, mais cela n’aurait été qu’une multitude de séances toutes plus stressantes les unes que les autres, tant pour Niko que pour le meneur, et je n’en voyais pas réellement l’intérêt, sachant que parfois, avec lui, il n’y a rien à faire.
C’est donc avec beaucoup de regrets que j’ai vendu son harnais, mais avec sérénité et joie, que je garde à l’esprit les souvenirs merveilleux de ce poney fin, moelleux et réceptif sur le seul parcours que nous avons réalisé ensemble en attelage. 🙂
Pour conclure cette histoire qui participe à la 11ème édition du festival La Cavalcade des Blogs, organisée ce mois ci par le blog Éduquer son cheval, et dont le thème en cours est Des difficultés qui font progresser :
Je dirai tout simplement qu’il faut toujours écouter ses convictions profondes pour éviter de faire trop d’erreurs non productives.
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